ENTRETIEN avec MICROPOINT avril 2002
Nous sommes au Printemps de Bourges avec ALCORE de MICROPOINT, il va nous expliquer ce qui se passe chez MICROPOINT en ce moment. Bonjour !
Salut
Est-ce que tu peux présenter ce que tu fais dans la scène hardcore française pour les gens qui ne connaissent pas forcément MICROPOINT ?
Alors, MICROPOINT c'est un projet techno hardcore, donc techno dure, qui existe depuis 1992. On a fait 2 albums: en 1999 et 2000, donc 2 balles !!!
C'est vrai, je confirme !
Le premier s'appelait neurophonie le deuxième s'appelle anesthésie international. Ca marque un petit peu le tournant pour nous dans la conception de la techno hardcore, de mélanger maintenant avec d'autres styles. On est très barrés sur le métissage de notre musique électronique, de façon à n'plus faire juste un gars qui bouge la tête comme un chien à l'arrière d'une voiture, derrière ses machines. Mais plutôt faire intervenir des musiciens, notamment comme on l'a fait hier soir, batteur ou percussionniste, DJ, scratch et un MC en général.... Moi maintenant MICROPOINT, dans le virage que ça prend, dans le virage de style je vois plus ça comme un collectif qui va faire travailler des gens, qui va satelliser des gens autour de 1 ou 2 personnes principales dont moi et qui vont travailler comme ça pour faire avancer le projet et surtout mélanger des styles pour faire, on va dire, un hardcore différent. J'dis pas un nouveau hardcore, j'ai pas la prétention de faire du nouveau hardcore, sachant que le hardcore ça n'existe pas depuis très longtemps, mais au moins un truc différent, pas que électronique.
Avant MICROPOINT c'était surtout toi ALCORE avec RADIUM, tu nous disais hors micro qu'il y a eu un clash !
Il y a eu une séparation
Tu vas donc développer le côté collectif. As-tu déjà des contacts avec des personnes ?
On est ensemble avec Didier Serbourdin, qui est l'ancien batteur de TREPONEM PAL. Il a rejoint MICROPOINT il y a maintenant presque 2 ans, à l'époque d'anesthésie international et il y a YOUTHMAN le MC, qui vient de la jungle, qui est résident aux soirées MASSIVE à Paris au Rex club. C'est une grosse soirée jungle qu'il y a tous les débuts du mois. C'est un type qui a joué avec plein de monde, plein de gros noms dans la jungle. Il s'est retrouvé un peu propulsé à 21 ans sur des grosses scènes, et donc du coup ça à fait qu'il a tout de suite pris le pli du hardcore, ça lui a beaucoup plu. Lui même me dit de toute façon la jungle ça vient aussi du hardcore. Donc il s'est intégré tout de suite. Dès qu'on lui a fait écouté les premiers tracks, au premier live il a commencé à poser sa voix et ça la fait très très bien. Il y a très peu de gens qui sont mécontents du résultat que ça donne en général. Y a toujours les irréductibles qui disent: ah non, le MC c'est pas bien, faut que du son, que du son, que du son. J'crois que non au contraire, ça apporte un super côté humain, un contact avec les gens. Ca fait vraiment un pont entre moi, qui ait pas trop le temps parce que je suis derrière mes machines en train de bidouiller, et justement les gens qui peuvent rentrer en contact avec le groupe via le batteur, le MC. Donc on va continuer comme ça. Pour l'instant c'est ces 2 lurons là qu'on a dans la troupe et ça va continuer puisque là dernièrement, très récemment j'ai rencontré un batteur sur batterie accoustique, puisque Didier fait de la batterie électronique. J'l'ai rencontré hier soir, donc le 10 avril au Printemps de Bourges et donc on a joué ensemble, on a improvisé. On a fait un des premiers boeufs techno hardcore, accoustique et électronique ensemble. C'est un peu historique pour nous et donc on va continuer. Lui il va revenir sur plusieurs grosses dates, puisqu'une batterie ça demande plus de moyens techniques, insonoriser etcetera, c'est un peu plus compliqué, faut faire des répèt' donc là on va se caler avec lui.
Le fait que l'on passe de scènes extérieures à des lieux fermés, ça peut amener un côté accoustique qu'il n'y a pas dans les free. Comment tu ressens cette évolution ?
C'est vrai que les gens nous abordent souvent
avec le côté free, et finalement, MICROPOINT y a pas énormément
de rapport avec la scène free. Moi je me suis souvent fait insulter
parce que je jouais dans des teufs payantes. Il y a déjà une
différenciation qui est faite par rapport à la nature de la
fête. De façon plus générale, la musique de rave
c'est vraiment de la musique électronique, y a que de la machine, et
nous justement on a tendance à s'éloigner mais pour mieux y
revenir en fait. Moi je ne quitte pas vraiment mes premières bases,
les puristes disent ce qui veulent, les puristes sont les puristes, moi je
suis pas un puriste, enfin j'me considère pas comme étant un
puriste, mais le truc c'est reculer pour mieux sauter. On s'éloigne
un p'tit peu du concept tout machine pour revenir finalement à un truc
vraiment crossover comme d'autres l'ont fait avant nous dans d'autres styles
de musique. Il y a plein de monde qui a fait ça avant, maintenant la
musique électronique c'est plus récent et notamment dans le
hardcore c'est beaucoup plus nouveau évidemment, on est un p'tit peu
les premiers à le faire. Ca va suivre, y a d'autres projets qui vont
suivre. Vous allez découvrir d'autres projets qui vont sortir avec
des DJ que vous connaissez déjà, mais là je vous laisse
la surprise, ça va bientôt arriver. Mais voila, dans tout ça,
je me sens pas vraiment sortir du milieu techno, par contre ce que j'aime
bien c'est que d'autres personnes s'intéressent à nous maintenant.
Hier dans le bar, parce qu'on a eu la chance d'assister au concert, c'était étonnant, y avait des anciens qui avaient la quarantaine passée, y avait des punks, y avait de tout. Ca donnait une ambiance, et tout le monde s'est éclaté. Chacun avait son trip, y en a qui trippaient sur la batterie, d'autres sur les scratches, sur les sons que tu lançais. Tout le monde s'y retrouvait et les gens étaient vraiment là pour faire la fête.
C'est ça qui m'avait fait peur quand je suis arrivé au Printemps de Bourges, c'est que je voulais pas être tout seul derrière mes machines dans un bar, dans un café-concert, connaissant l'ambiance des café-concerts, connaissant la mixité de la population qui fréquente ça. J'ai vraiment eu de la chance, j'voulais vraiment avoir un truc en plus et là j'crois que je l'ai eu, c'est bien cool, ça va continuer. Le leitmotiv de la rave au départ, c'était un peu idéaliste, c'était d'avoir toutes les couches sociales, toutes les mixités de races, de genres etcetera...venant à la même fête, écoutant la même musique, des gens qui venaient de n'importe quel milieu, n'importe quelle tranche d'âge. Là finalement nous, ça nous permet, plutôt que de repartir dans un ghetto, de se dire tiens, on va intéresser que tel public ou que tel public, là on réarrive grâce à ça à mélanger un p'tit peu les gens et à les faire tomber un peu d'accord malgré leur appréhension par rapport à la musique électronique et notamment la musique électronique dure.
Après les free parties, le free hardcore, parce qu'hier c'était vraiment free comme dans le free jazz...
Free hardcore, pourquoi pas !
...tu faisais un p'tit signe au batteur qui se calait sur ton bpm, c'qu'est pas évident parce que il lançait le gros son à la grosse caisse et il tapait très très fort...
J'ai halluciné, en plus le gars c'était
marrant, il s'appelle Thierry, le batteur du groupe SPOR, on s'est rencontré
comme ça direct. Quand il a su ce que je faisais il m'a un p'tit peu
toisé, il m'a fait: ah bon, ah bon mais c'est dur c'que tu fais ? parce
que nous aussi, on envoie... direct on s'est bien entendu...
C'est un mec très accessible, super
ouvert et vraiment compliments, chapeau Thierry parce que des mecs comme ça
on en rencontre pas souvent, et j'en ai fait des batteurs ! C'est le seul
avec qui j'ai pu faire une impro, enfin qui a pu lui improviser sur ce que
je faisais.
Vos albums sont sortis chez UWE, l'avenir de MICROPOINT sera toujours sur ce label ?
Pour l'instant je sais pas si on peut dire "sera toujours sur ce label" mais en tout cas, en France j'vois pas pour l'instant de label mieux adapté à ce que je veux faire. Pour développer ce projet, il faut un peu plus de moyens. On a besoin de temps, de répétitions, donc qui dit répétitions dit local de répétition, qui dit enregisterement dit studio d'enregistrement et donc UWE ils sont prêts à nous offrir tout ça et vu que ça fait 7 ans que je bosse avec eux à l'époque où on était avec RADIUM on a commencé avec eux. J'ai rencontré KRAFT, Antoine le manager du label très tôt, on s'est connus en 1995. On s'est toujours bien entendus, on a toujours bossés ensemble, donc ça va continuer. A mon avis, le jour où on n'bossera plus ensemble c'est parce qu'on aura fait 3, 4, 5 albums ensemble et après peut-être que j'voudrais prendre d'autres directions, j'voudrais trouver autre chose..., mais on se quittera bons amis de toutes façons, enfin moi j'y tiens parce que là le problème qu'il y a eu avec le clash c'est que au départ ça a un peu entâcher nos relations avec le label et moi j'voulais vraiment continuer avec eux. Pas seulement parce que c'est le plus gros label, on va dire, hardcore français actuellement, en terme de licences etcetera... C'est eux qui ont le plus important catalogue, mais c'est surtout un rapport d'identité, c'est les seuls qui nous ont vraiment donnés la chance de respecter le plus ce qu'on faisait, de rester dans notre ligne de conduite, notre identité, c'est important. Donc pour l'instant, j'crois que ça va se faire avec UWE.
Sur la scène hardcore il ya peu de chanteurs qui interviennent, est-ce que toi tu envisages de faire intervenir des filles pour donner un côté un peu punk ...
J'aimerais bien, même si c'est pas punk, si c'est autre chose ... J'aimerais bien une chanteuse qui s'adapte un p'tit peu à ce que je fais parce que bon... Moi j'veux bien adapter le truc mais bon il faut toujours qu'il y ait un côté hardcore, techno, électronique etc... Donc on reste quand même dans le côté rythmique 4/4 même si c'est du breakcore, ça change pas, c'est de la musique électronique. Donc j'ai pas encore trouvé de chanteuse qui pourrait s'adapter à ça mais bon j'désespère pas, un jour j'vais sûrement rencontrer quelqu'un par accident, comme j'ai rencontré Thierry hier. J'm'inquiète pas pour ça.
Est-ce qu'il y a des groupes français qui ont demandés ta collaboration pour enregistrer des disques sans forcément être du hardcore ?
Pas encore, j'ai peut-être pas encore assez prospecté la-dessus mais ça va p'têt se faire un jour parce que moi j'ai une grande passion mise à part la techno, c'est le remix. j'adore remixer.
Tu as remixé qui ?
J'ai remixé un groupe qui s'appelle DAF, le morceau "der mussolini"...
Avec FAST FORWARD ?
En fait c'est FAST FORWARD qui m'a branché dessus et moi j'ai fait un remix pour lui en fait. J'ai sorti le remix pour lui sur un projet en Allemagne qui devait sortir. Je ne sais pas où en est ce projet mais moi j'ai sorti le morceau sur un white label en 1000 copies ... Sinon en projet j'ai un remix des TAMBOURS DU BRONX, mais alors ça c'est pas encore fait parce que ça c'est toujours des longues tractations, LES TAMBOURS DU BRONX, c'est un vieux rêve, c'est toujours des mecs que j'ai super admiré parce que moi j'suis à donf dans l'industriel. Dans les années 80, j'étais industriel complet. Si ça pouvait se faire ce serait génial. J'bosse là dessus. Ce que j'veux, c'est remixer des gens aussi.
Est-ce que MICROPOINT s'est fait remixé ?
On s'est fait sampler, ça été rebidouiller mais y a pas eu vraiment de remix de MICROPOINT, mais on s'est fait pas mal sampler, notamment par des anglais qui s'appellent HELLFISH et PRODUCER. Ils ont toujours aimés notre musique et ils nous l'ont montrés à travers des disques qu'ils faisaient plus ou moins en samplant soit des sons soit des petites parties de nos trucs et en refaisant des morceaux qui ne sont même plus des remix, en plus c'était tellement bien fait. Faut le dire objectivement ce sont des gens qui travaillent vraiment bien la prod, c'était vraiment des morceaux à part entière mais avec une espèce de couleur, une identité, influencés par notre son. Moi j'trouve que c'est bien parce que le jeu de la techno c'est tout le monde pique les sons de tout le monde, ça fait 10 ans que ça dure ...
Hier dans ton set on a entendu quelques extraits de DELIVRANCE ...
Ouais, DELIVRANCE, ça c'est le morceau keupon de la fin, enfin l'avant dernier morceau. C'est que des samples de DELIVRANCE, c'est la scène où le mec il fait la truie, j'ai trouvé ça très approprié !
Sur l'album il y a beaucoup d'extraits de dialogues de film ...
Le 2ème grand amour que j'ai après le remix, c'est la musique de film. J'ai une collection monstrueuse de musiques de films chez moi et de films etc... Je suis un gros bouffeur de cinema. J'en mets plus sur les albums, j'trouve que l'album est plus approprié à ça. Le live, on rentre plus dans les tripes, je fais moins de plages avec des ambiances, des machins, des samples de cinema, c'est plus sur les albums que j'fais ça.
Le visuel c'est quelquechose que tu voudrais développer plus tard pour les lives ?
Ouais plus tard, ça aussi. C'est une question de temps, et dieu sait si le temps, avec la musique j'en ai de moins en moins.
Tu as déjà des idées de collaborations ou un visuel que tu voudrais t'approprier, un style de lumière, de video ?
Par contre en visuel, j'ai pas envie de m'approprier quelquechose. A moins que je fasse comme la musique, c'est-à-dire du sample video et que je fasse des clips comme je fais des morceaux, avec des samples de videos, plusieurs pistes mixées ensemble. J'ai pas encore trop d'idées, mais j'attends plutôt des propositions. J'ai peut-être un contact avec un type qui fait un site internet et ils font vraiment des super visuels. Ils bossent surtout dans la scène free et j'aimerais bien bosser avec eux. On se connait pas encore bien, eux ils sont de la free, moi j'suis MICROPOINT, y a encore des a priori mais j'en démords pas, la free, on a beau dire on a beau faire, ça reste un gros gros réservoir de créativité et il faut pas que ça disparaisse non plus. Y a vraiment des gars qui ont du talent qui bossent dans la free actuellement, qui sont encore méconnus mais qui ont pas forcément besoin d'être connus parce que c'est des gars qui font ça vraiment pour le plaisir, ils ont un boulot à côté, c'est vraiment une distraction. Tu t'aperçois que c'est les gens finalement dans la free qui sont les plus sérieux, c'est les gens qui mélangent pas tout. C'est des gens qui s'estiment pas DJ et machin professionnel au bout de 3 mois, ceux qui font n'importe quoi. J'te rassure c'est une très petite minorité mais y en a et vraiment ils sont très actifs et c'est des gars la semaine ils sont au boulot et le week end "fait péter", au cul du camion et c'est parti !
Demain soir tu passes avec SUBSONIK, INTERLOPE... tu sais comment ça va se passer au niveau des collaborations ?
Pas du tout, le Printemps de Bourges c'est free style. A mon avis ça va se faire d'un coup. On va discuter, tout est question de rapports humains, c'est le plus important. Si le courant passe avec le gars, il sait qui je suis, je sais qui il est... Vu que leur set va sûrement passer avant moi, vu que moi j'mets la dernière couche, après ils vont se coucher... enfin, si le courant passe pourquoi pas, je suis open de chez open !
Il y a des free en perspectives autour de Bourges !
Sûrement, mais alors j'suis pas courant, mais à mon avis ouais. déjà hier soir y en avait une. Tous les mecs me disaient :" bon ! nous on va à la free !! salaud tu t'arrêtes au bout d'une heure ! fumier ! fonctionnaire de la techno !!!"... classique. Normalement oui, il y a des free tous les soirs. Ca va être assez relax au niveau des autorités parce que c'est le Printemps de Bourges , mais bon j'leurs dis quand même attention, attention parce que c'est vite fait. C'est dommage de voir des mecs des fois qui partent bien motivés, genre la fleur au fusil, et qui se font quand même piquer 250 000 balles de son, c'est un peu triste. J'suis pas pour ça, ça me chagrine quelque part. Nous on a eu la même, quand on faisait des soirées et encore j'sais pas si c'est encore pire, j'sais pas si on peut comparer mais, on avait la même quand on faisait des soirées payantes. Là c'était tout aussi arbitraire que dans les free. Les mecs arrivaient, ils arrêtaient la soirée, ils saisissaient pas le son, ils saisissaient le personnel. tout le monde au poste, prison pour les organisateurs, youpi ! Les rapports avec les autorités ont toujours été un peu tendus par manque d'information et par manque de communication, mais bon ça a tendance à s'arranger.
En 10 ans, est-ce que tu as assez de recul pour voir ton évolution parallèlement à ce qui se fait ?
Sur les 2 ou 3 dernières années, j'trouve que ça suit un peu la tendance de ce que tout le monde fait en musique électronique, c'est-à-dire faire du crossover, faire du mélange. C'est les anglais qui ont montrés un peu la voie au départ, y a 5 ou 6 ans avec des groupes comme PRODIGY, CHEMICAL BROTHERS, UNDERWORLD... les mecs ils faisaient de la techno, mais il n'y avait pas que de la machine, y avait les mecs qui chantaient, des gars qui rajoutaient de la percu, ça grattait etc... Moi j'ai un peu suivi cet exemple là, ça a un peu été les gars qui m'ont influencé dans ce domaine. Maintenant, mon évolution par rapport à ce qui se fait en hardcore, je sais pas, ça reste assez accessible ce qu'on fait. C'est pas ultrabarré, ultraviolent parce qu'il y a tout un pan de la scène hardcore qui est moins connu, qui est beaucoup plus underground mais qui est complètement axé sur le bruitisme, les trucs industriels, j'pense à des mecs comme LA PESTE, des gars qui ont complètement une autre approche...
Comment tu pourrais définir ta musique ?
On me reproche un peu d'être souvent au même bpm, une trop grande droiture, mais bon, moi j'aime bien la musique autoroute, comme on dit. Tout droit, 200 km/h sur la voie de gauche, boum boum boum, avec les lignes blanches qui passent, tchh tchh tchh tchh et euh hola ..... faut faire attention au lapsus. Sinon, j'aime bien le côté un p'tit peu comme en jazz. J'aimais bien le jazz de l'après guerre, où les mecs ils arrivaient, ils faisaient un plan de batterie, et hop direct derrière ils enchainaient alors que le saxophoniste continuait, ou le contrebassiste continuait, hop l'autre il enchainait un autre rythme, et ça me faisait halluciner avec quel aisance ils arrivaient à faire ça. Moi c'est ça qu'j'adore faire dans les breaks, j'adore que ça parte en vrille tout en restant bien carré, toujours en restant dans le domaine du 4/4 ou peut-être à la limite du 3/4 ou du 6/8, des trucs un p'tit peu barrés au niveau de la signature rythmique, mais tu retombes toujours sur tes pieds. Des fois ça devient un peu compliqué, c'est clair que j'aime bien perturber les gens. J'arrêtes le truc, j'fais un break, pourtant c'est binaire, c'est carré mais les gens ils arrivent plus danser...
Tout à l'heure on écoutait le morceau "auto flagelation" , hier on avait vraiment l'impression que tu chambrais le public. Il était bien chaud et toi tu coupais tout, tu les regardais, tu sentais la pression du public qui disait "encore !!!" et tu relançais la sauce...
C'est la bonne vieille recette, qu'on aimait bien cultiver à cette époque, et que j'cultive toujours. "auto flagelation" ça date de 1996, 1997...
C'est sur la compilation "explicit bass drum 2"
Ouais c'est ça, donc c'est 1997. C'est un p'tit peu à cette époque qu'on a commencé à essayer de faire des breaks un p'tit peu ... parce que avant on était vraiment très droits, très très droits. Ce qui caractérisait MICROPOINT au départ, c'était qu'il y avait tous dans le pied, ça faisait boum boum boum...
Il y a vraiment eu une évolution dans votre son. On reconnait maintenant le son MICROPOINT, comme sur le dernier album...
Y a le son MICROPOINT, plus clean mais j'continue à me dire que j'aimerais bien revenir un p'tit peu dans la vague du premier album. Sans pour autant quitter le côté clean et bien produit du 2ème, parce que sur le 2ème on a vraiment fait un effort à ce niveau là. Sur le premier, l'ambiance était beaucoup plus noire. Le 2ème restera l'album le plus accessible, ça a apporté la touche clean au son MICROPOINT. C'est ça qui nous a un p'tit peu ouvert les portes, plein de gens trouvaient que le hardcore c'était un peu trop une taperie bruitiste pendant 3 heures. Là, ils ont trouvés des trucs à écouter, parce que c'était justement plus clean et mieux produit, mieux travaillé, un peu plus mature etc...
On retrouve ce même son sur quelques morceaux du dernier RADIUM "paranoia performance", as-tu collaboré à cet album ?
Non, parce qu'il a sorti cet album un peu après notre dispute, et donc "paranoia performance" c'est un pamphlet contre UWE, contre MANU LE MALIN, contre moi ... Il a considéré qu'il n'y avait pas de mauvaise publicité parce que, connaissant RADIUM j'étais très étonné par la prod de son album, j'trouve qu'elle est à chier. Y a des supers intros, y a 1 ou 2 morceaux que j'aime bien, le reste c'est ... enfin pour moi c'est de la merde. Parce qu'en fait , il est capable de faire bien mieux, donc à mon avis il a plus sorti ça dans l'urgence. Il a pris en plus des morceau que j'connaissais, qu'il avait fait depuis de longs mois et donc des morceaux qui étaient déjà sortis, sur lesquels il a rien retouché, c'est un p'tit peu bizarre. J'crois que c'est fait à la va vite, il a voulu le faire tout de suite pour dire "voila, regardez c'est moi RADIUM, j'suis malheureux, j'fais un album, j'parle de moi, j'existe, j'me fais une parano". Si il veut, moi j'ai rien à dire là dessus, j'ai pas à parler, lui il a besoin d'en parler dans la presse, de faire des trucs comme ça, de faire des grands gestes partout, de remuer de l'air, mais moi j'ai pas besoin d'en parler, ça nous concerne, c'est notre vie privée. J'ai plus 16 ans, j'vais pas aller faire un album pour dire " tiens ma mère m'a piqué mes carambars", pourquoi pas, il fait ce qui veut mais moi c'est pas mon truc. J'trouve ça dommage qu'on se soit engueulés mais maintenant j'vais pas en faire tout un plat, ça arrive, c'est la vie?
Dans tes productions futures, tu seras sous le pseudo ALCORE, ou LAURENT CHARNIER ou ... ?
LAURENT CHARNIER c'était une blague à LAURENT GARNIER, il l'a très bien pris d'ailleurs puisqu'il a passé le disque sur NOVA. Le jour où il a reçu le disque quand il a fait une émission sur NOVA, il a passé le disque "regardez ça c'est marrant, ça s'appelle LAURENT CHARNIER". J'ai trouvé ça génial, voila un mec que j'respecte énormément parce que c'est quand même un gars qui reste avec le sens de l'humour. Malgré que je sois aux antipodes de ce qu'il fait, vu qu'on est diamétralement opposés, j'ai un très grand respect pour lui, parce que c'est un gars, il continue, il crache sur personne. Même si il s'engueule avec les gens, tu le verras jamais laver son linge sale autrement qu'en famille. J'ai un peu la même ligne de conduite, j'fais pas un album pour dire "mon copain il est pas bien, il est pas gentil..."
La scène hardcore a du mal à s'expatrier des free et de quelques lieux, parce que au point de vue medias c'est diffusé très peu à la radio, quasiment pas à la télé, alors qu'il y a un large public...
La scène hardcore c'est une scène qui est dite underground, donc hyper identitaire, ultra protectionniste. Il y a ceux qui ont une certaine attitude dans le hardcore qui est dite comme ça, de ne pas sortir parce qu'ils ne veulent surtout pas voir le grand suppot de satan, le grand suppot du capital ou alors tu as ceux qui en ont a rien à foutre, qui font ça le week-end, qui ont pas envie forcément d'être connus avec ça, ils en ont rien à foutre, ça leur apportera ni joie, ni autre chose. Dans le public tu as les gens qui sont là, beaucoup pour l'attitude, attitude hardcore "on bouge la tête, on met les piercings sur la casquette, c'est cool". Tu retrouves ce genre d'attitude dans le hip hop aussi, rester intègre, on se cloisonne et finalement on finit par s'enfermer dans un ghetto. Au fur et à mesure de s'enfermer, de vouloir que personne parle de toi, ou vienne te voir, finalement tu finis par t'enfermer dans un clan et les gens, en effet ne viennent pas te voir.
Donc t'essayes de t'insérer dans les brèches...
Ouais, dans les brèches et puis moi j'suis pas né dans la scène techno, avant j'faisais de la musique, ça fait 20 ans que j'fais de la musique. J'ai pas honte, si faut montrer ma gueule, j'montre ma gueule mais j'vais pas non plus la montrer chez Foucaud, y a bien sûr une nuance. A un moment donné, faut pas avoir peur d'aller voir les gens, de rentrer en contact avec eux et voila, de leur expliquer un p'tit peu c'que tu fais, et c'est là que finalement les gens t'accordes de la crédibilité, te disent "finalement c'est bien, on va s'intéresser à ce que tu fais" sans pour autant taper dans le délire mercantile. Leur grosse crainte c'est ça " aaah on va se faire reprendre, suppot du capital, à mort l'argent, c'est pour ça qu'on fait des free, ah salaud t'es payé, nous on paye pas les artistes..." Y a vraiment un gros complexe là dessus, je sais pas pourquoi, y a un gros complexe par rapport au fait de s'institutionaliser un p'tit peu, on va dire de façon douce, j'vais pas signer chez Carrere...
Est-ce que tu projettes de monter toi-même ton label ?
Ouais plus tard. J'suis pas pressé là dessus, j'ai 32 piges et j'ai pas encore monté mon label. La moyenne d'âge des gars qui font des labels c'est entre 20 et 25 ans, moi j'me suis même pas encore décidé par flemme, et puis parce que les soucis d'un label j'les laisse à d'autres pour l'instant, ça m'intéresse pas. Un jour oui, ça me tombera dessus, j'ai envie de créer mon label, j'ai envie de faire mes propres trucs , mais pour l'instant j'ai plutôt envie de travailler avec des gens, travailler en collectif, faire ce que je fais avec UWE, parce que justement si il y a un truc que UWE essaie de faire et je crois qu'ils sont beaucoup décriés pour ça, c'est le fait d'essayer de faire sortir un p'tit peu le hardcore de son ghetto, tout simplement. Moi j'voudrais que le hardcore sorte un peu de son ghetto, parce que c'est bien le ghetto mais voila quoi ! Le rap est sorti de son ghetto, avec les défauts qu'il y a, les abus, c'est clair mais j'crois pas que le hardcore pourrait tomber dans la même chose parce que c'est quand même une musique très particulière, ça peut pas intéresser monsieur tout le monde comme le hip hop qui est une musique chantée, une musique rythmiquement soft. En plus le hardcore c'est pas une musique super fédératrice au niveau mouvement de la jeunesse, le hip hop c'est ok, c'est la jeunesse qui galère, les gars y en veulent alors ils chantent le hip hop, ils veulent réussir etc...Le hardcore c'est plus étrange comme concept.
Je ne sais pas comment sont les free en région parisienne, mais ce qui m'a amusé en Bretagne c'est qu'il peut y avoir tous styles de personnes...
J'suis désolé de le dire, mais la free à Paris, c'est un peu devenu pour 85% des gens qui la font et qui y vont, j'laisse quand même une minorité que j'appelle les gens sérieux, je cite pas de noms, j'ai pas envie d'avoir d'emmerdes non plus, mais la free pour une très grosse majorité c'est devenu une mode. Maintenant pour être branché devant les potes, on va en free, avant on mettait des Stan Smith et une veste en jean, maintenant on met une casquette avec des piercings, on achète un camion, on loue du son et puis on va faire plop plop plop dans les bois. Y a une énorme scène free et hardcore dans l'Est de la France, elle est monstrueuse, y a plein de gens, plein de monde...
L'influence de l'indus allemande...
Bien sûr, comme là d'où je viens, moi j'viens du Nord de la France, on a grandi avec les belges, les allemands, les hollandais... toute cette frange Nord, Nord Est et centre Est c'est ultra influencé par le modèle surtout germanique et tu le retrouves dans les fêtes organisées, les raves payantes autorisées etc... tu retrouves le modèle allemand: le son nickel, l'éclairage nickel, le line up à la minute, le truc super organisé, les gens ils arrivent à 3000 à 23h, ils repartent à 3000 à 6h, enfin bon, ils sont fous mais ça j'adore. C'est le modèle de teufs que j'aime bien, c'est plaisant parce que devant toi, t'as pas des gars qui sont venus là pour se défoncer, malheureusement la free elle est un peu pourrie par ça, c'est le fait que les mecs viennent là pour les produits et non pas pour la musique.
En parlant de produits, MICROPOINT c'est le nom d'un cacheton...
Faut pas se voiler la face, MICROPOINT c'est issu du MICROPOINT, c'est bien pire qu'un cacheton, c'est un truc, j'sais pas si c'est légal d'en parler à la radio, tu pourras le couper, c'est un acide ultra puissant. j'dis pas aux gens d'en consommer, mais bon j'dis voila, le truc ça s'appelle MICROPOINT, ouais c'est le nom d'un acide mais j'ai eu du mal à le dire, pendant quelques années j'ai trainé quand on me demandait "c'est quoi MICROPOINT ?"
C'est une façon de critiquer ça ou c'est juste pour le nom qui sonne bien ?
C'est le nom qui sonne bien, nickel ! Et puis bon, voila on avait une liste de noms, on avait plusieurs noms, on a failli s'appeler LES STEAKS A CHIER, ça fait plus keupon comme délire, "tiens si on s'appelait LES STEAKS A CHIER !" mais non, vaut mieux s'appeler MICROPOINT, c'est plus moderne et donc voila d'où vient le nom MICROPOINT. C'est vraiment un choix parce que le nom sonnait bien.
MICROPOINT "anesthesie inernational"
Propos recueillis par free son.